Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Devant le tribunal, devant le cabanon,
Devant le glaive, l’homme a-t-il reculé ? non.
Sous cette croix que charge une horreur inconnue,
Ce qu’on nomme ici-bas Justice, continue.
Ce spectre aveugle et sourd, dont l’ombre est le manteau,
A peine se souvient d’avoir à ce poteau
Attaché cette immense innocence étoilée.

En présence du bien, du mal, dans la mêlée
Des fautes, des erreurs, où le juste périt,
Pas un juge n’a peur de ce mot : Jésus-Christ !
Le Calvaire n’a point découragé la Grève ;
Montfaucon à côté du Golgotha s’élève ;
Et le Messie a pu mourir sans éclairer.
L’homme n’a pas cessé de se dénaturer
Dans le tragique orgueil de condamner son frère.
L’ouverture hideuse, infâme, téméraire,
Du sépulcre au milieu des lois, c’est là le port ;
Et le noir genre humain s’abrite dans la mort.

Tristes juges ! ô deuil ! quoi ! pas un ne s’arrête !
Le grand spectre qui porte au-dessus de sa tête
L’écriteau ténébreux et flamboyant : INRI,
Pâle, éploré, sanglant, fouetté, percé, meurtri,
Pend devant eux au bois de la croix douloureuse,
Tandis que chaque mot prononcé par eux, creuse
Une fosse dans l’ombre et dresse un échafaud :
A mort cet homme ! à mort cette femme ! il le faut !