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Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/136

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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Cet homme, dont le scheik ne voyait que le dos,
Venait de déposer à terre des fardeaux,
Un sac d’avoine, une auge, un harnais, une selle ;
La bannière arborée au donjon était celle
De don Diègue, ce père étant encor vivant ;
L’homme, sans voir le scheik, frottant, brossant, lavant,
Travaillait, tête nue et bras nus, et sa veste
Était d’un cuir farouche et d’une mode agreste ;
Le scheik, sans ébaucher même un buenos dias,
Dit : « Manant, je viens voir le seigneur Ruy Diaz,
Le grand campéador des Castilles. » Et l’homme,
Se retournant, lui dit : « C’est moi.

Se retournant, lui dit : « C’est— Quoi ! vous qu’on nomme
Le héros, le vaillant, le seigneur des pavois,
S’écria Jabias, c’est vous qu’ainsi je vois !
Quoi ! c’est vous qui n’avez qu’à vous mettre en campagne
Et qu’à dire : « Partons ! » pour donner à l’Espagne,
D’Avis à Gibraltar, d’Algarve à Cadafal,
Ô grand Cid, le frisson du clairon triomphal,
Et pour faire accourir au-dessus de vos tentes,
Ailes au vent, l’essaim des victoires chantantes !
Lorsque je vous ai vu, seigneur, moi prisonnier,
Vous vainqueur, au palais du roi, l’été dernier,
Vous aviez l’air royal du conquérant de l’Èbre ;
Vous teniez à la main la Tizona célèbre ;
Votre magnificence emplissait cette cour,
Comme il sied quand on est celui d’où vient le jour ;