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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Tous deux guettent Mahaud. Et naguère, avec rage,
De sa bouche qu’empourpre une lueur d’orage
Et d’où sortent des mots pleins d’ombre ou teints de sang,
L’empereur a jeté cet éclair menaçant :
« L’empire est las d’avoir au dos cette besace
Qu’on appelle la haute et la basse Lusace,
Et dont la pesanteur, qui nous met sur les dents,
S’accroît, quand, par hasard, une femme est dedans. »
Le polonais se tait, épie et patiente.

Ce sont deux grands dangers ; mais cette insouciante
Sourit, gazouille et danse, aime les doux propos,
Se fait bénir du pauvre et réduit les impôts ;
Elle est vive, coquette, aimable et bijoutière ;
Elle est femme toujours ; dans sa couronne altière,
Elle choisit la perle, elle a peur du fleuron ;
Car le fleuron tranchant, c’est l’homme et le baron.
Elle a des tribunaux d’amour qu’elle préside ;
Aux copistes d’Homère elle paye un subside ;
Elle a tout récemment accueilli dans sa cour
Deux hommes, un luthier avec un troubadour,
Dont on ignore tout, le nom, le rang, la race,
Mais qui, conteurs charmants, le soir, sur la terrasse,
À l’heure où les vitraux aux brises sont ouverts,
Lui font de la musique et lui disent des vers.