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ÉVIRADNUS.

» Ce pays le plus haut du monde, ce grand antre
» D’où plus d’un fleuve sort, où pas un ruisseau n’entre ;
» Je t’offre le Tyrol aux monts d’azur remplis,
» Et je t’offre la France avec les fleurs de lys ;
» Qu’est-ce que tu choisis ? » J’aurais dit : « La vengeance. »
Et j’aurais dit : « Enfer, plutôt que cette France,
» Et que cette Bohême, et ce Tyrol si beau,
» Mets à mes ordres l’ombre et les vers du tombeau ! »
Mon frère, cette femme, absurdement marquise
D’une marche terrible où tout le Nord se brise,
Et qui, dans tous les cas, est pour nous un danger,
Ayant été stupide au point de m’outrager,
Il convient qu’elle meure ; et puis, s’il faut tout dire,
Je l’aime ; et la lueur que de mon cœur je tire,
Je la tire du tien : tu l’aimes aussi, toi.
Frère, en faisant ici, chacun dans notre emploi,
Les bohêmes, pour mettre à fin cette équipée,
Nous sommes devenus, près de cette poupée,
Niais, toi comme un page, et moi comme un barbon,
Et, de galants pour rire, amoureux pour de bon ;
Oui, nous sommes tous deux épris de cette femme ;
Or, frère, elle serait entre nous une flamme ;
Tôt ou tard, et, malgré le bien que je te veux,
Elle nous mènerait à nous prendre aux cheveux ;
Vois-tu, nous finirions par rompre notre pacte.
Nous l’aimons. Tuons-la.

Nous l’aimons. Tuons-la. — Ta logique est exacte,