Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/121

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Son pas funèbre est lent comme un glas de beffroi ;
Et c’est la Mort, à moins que ce ne soit le Roi.

C’est lui ; l’homme en qui vit et tremble le royaume.
Si quelqu’un pouvait voir dans l’œil de ce fantôme
Debout en ce moment l’épaule contre un mur,
Ce qu’on apercevrait dans cet abîme obscur,
Ce n’est pas l’humble enfant, le jardin, l’eau moirée
Reflétant le ciel d’or d’une claire soirée,
Les bosquets, les oiseaux se becquetant entre eux,
Non : au fond de cet œil comme l’onde vitreux,
Sous ce fatal sourcil qui dérobe à la sonde
Cette prunelle autant que l’océan profonde,
Ce qu’on distinguerait, c’est, mirage mouvant,
Tout un vol de vaisseaux en fuite dans le vent,
Et, dans l’écume, au pli des vagues, sous l’étoile,
L’immense tremblement d’une flotte à la voile,
Et, là-bas, sous la brume, une île, un blanc rocher,
Écoutant sur les flots ces tonnerres marcher.

Telle est la vision qui, dans l’heure où nous sommes,
Emplit le froid cerveau de ce maître des hommes,