Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/207

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Ne jamais se servir pour s’évader d’en haut,
Pour fuir, de ce qui sert pour monter à l’assaut,
Telle est la loi ; la loi du devoir, du Calvaire,
Qui sourit aux vaillants avec son front sévère.
Peuple, homme, esprit humain, avance à pas altiers !
Parmi tous les écueils et dans tous les sentiers,
Dans la société, dans l’art, dans la morale,
Partout où resplendit la lueur aurorale,
Sans jamais t’arrêter, sans hésiter jamais,
Des fanges aux clartés, des gouffres aux sommets,
Va ! la création, cette usine, ce temple,
Cette marche en avant de tout, donne l’exemple !
L’heure est un marcheur calme et providentiel ;
Les fleuves vont aux mers, les oiseaux vont au ciel ;
L’arbre ne rentre pas dans la terre profonde
Parce que le vent souffle et que l’orage gronde ;
Homme, va ! reculer, c’est devant le ciel bleu
La grande trahison que tu peux faire à Dieu.
Nous donc, fils de ce siècle aux vastes entreprises,
Nous qu’emplit le frisson des formidables brises,
Et dont l’ouragan sombre agite les cheveux,
Poussés vers l’idéal par nos maux, par nos vœux,
Nous désirons qu’on ait présent à la mémoire
Que nos pères étaient des conquérants de gloire,
Des chercheurs d’horizons, des gagneurs d’avenir ;
Des amants du péril que savait retenir
Aux âcres voluptés de ses baisers farouches
La grande mort, posant son rire sur leurs bouches ;