Ni le rayonnement d’un ange qui s’en va,
Hors de quelque tombeau béant, vers Jéhovah.
Ni rien de ce qu’en songe ou dans la fièvre on nomme.
Qu’est-ce que ce navire impossible ? C’est l’homme.
C’est la grande révolte obéissante à Dieu !
La sainte fausse clef du fatal gouffre bleu !
C’est Isis qui déchire éperdument son voile !
C’est du métal, du bois, du chanvre et de la toile,
C’est de la pesanteur délivrée, et volant ;
C’est la force alliée à l’homme étincelant,
Fière, arrachant l’argile à sa chaîne éternelle,
C’est la matière, heureuse, altière, ayant en elle
De l’ouragan humain, et planant à travers
L’immense étonnement des cieux enfin ouverts.
Audace humaine ! effort du captif ! sainte rage !
Effraction enfin plus forte que la cage !
Que faut-il à cet être, atome au large front,
Pour vaincre ce qui n’a ni fin, ni bord, ni fond,
Pour dompter le vent, trombe, et l’écume, avalanche ?
Dans le ciel une toile et sur mer une planche.
Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/225
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