Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/260

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Que l’oubli sombre, avec sa perte de mémoire,
Se lèverait au son de la trompette noire ;
Que dans cette clameur étrange, en même temps
Qu’on entendrait frémir tous les cieux palpitants,
On entendrait crier toutes les consciences ;
Que le sceptique au fond de ses insouciances,
Que le voluptueux, l’athée et le douteur,
Et le maître tombé de toute sa hauteur,
Sentiraient ce fracas traverser leurs vertèbres ;
Que ce déchirement céleste des ténèbres
Ferait dresser quiconque est soumis à l’arrêt ;
Que qui n’entendit pas le remords, l’entendrait ;
Et qu’il réveillerait, comme un choc à la porte,
L’oreille la plus dure et l’âme la plus morte,
Même ceux qui, livrés au rire, aux vains combats,
Aux vils plaisirs, n’ont point tenu compte ici-bas
Des avertissements de l’ombre et du mystère,
Même ceux que n’a point réveillés sur la terre
Le tonnerre, ce coup de cloche de la nuit !

Oh ! dans l’esprit de l’homme où tout vacille et fuit,
Où le verbe n’a pas un mot qui ne bégaie,
Où l’aurore apparaît, hélas ! comme une plaie,
Dans cet esprit, tremblant dès qu’il ose augurer,
Oh ! comment concevoir, comment se figurer