Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/36

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Chaque statue, émue à leur pas doux et sombre,
Vibre, et toutes ont l’air de saluer dans l’ombre,
Les héros le vieillard, et les anges l’enfant.

Parfois Isoretta, que sa grâce défend,
S’échappe dès l’aurore et s’en va jouer seule
Dans quelque grande tour qui lui semble une aïeule,
Et qui mêle, croulante au milieu des buissons,
La légende romane aux souvenirs saxons.
Pauvre être qui contient toute une fière race,
Elle trouble, en passant, le bouc, vieillard vorace,
Dans les fentes des murs broutant le câprier ;
Pendant que derrière elle on voit l’aïeul prier,
— Car il ne tarde pas à venir la rejoindre,
Et cherche son enfant dès qu’il voit l’aube poindre, —
Elle court, va, revient, met sa robe en haillons,
Erre de tombe en tombe et suit des papillons,
Ou s’assied, l’air pensif, sur quelque âpre architrave ;
Et la tour semble heureuse et l’enfant paraît grave ;
La ruine et l’enfance ont de secrets accords,
Car le temps sombre y met ce qui reste des morts.