Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/66

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« Et moi qui, ce matin, lui nouais son corset !
Je disais : « Fais-toi belle, enfant ! » Je parais l’ange
Pour le spectre ! — Oh ! ris donc là-bas, femme de fange !
Riez tous ! Idiot, en effet, moi qui crois
Qu’on peut se confier aux paroles des rois
Et qu’un hôte n’est pas une bête féroce !
Le roi, les chevaliers, l’évêque avec sa crosse,
Ils sont venus, j’ai dit : « Entrez ; » c’étaient des loups !
Est-ce qu’ils ont marché sur elle avec des clous
Qu’elle est toute meurtrie ? Est-ce qu’ils l’ont battue ?
Et voilà maintenant nos filles qu’on nous tue
Pour voler un vieux casque en vieil or de ducat !
Je voudrais que quelqu’un d’honnête m’expliquât
Cet événement-ci, voilà ma fille morte !
Dire qu’un empereur vient avec une escorte,
Et que des gens nommés Farnèse, Spinola,
Malaspina, Cibo, font de ces choses-là,
Et qu’on se met à cent, à mille, avec ce prêtre,
Ces femmes, pour venir prendre un enfant en traître,
Et que l’enfant est là, mort, et que c’est un jeu ;
C’est à se demander s’il est encore un Dieu,
Et si, demain, après de si lâches désastres,
Quelqu’un osera faire encor lever les astres !
M’avoir assassiné ce petit être-là !
Mais c’est affreux d’avoir à se mettre cela
Dans la tête, que c’est fini, qu’ils l’ont tuée,
Qu’elle est morte ! — Oh ! ce fils de la prostituée,
Ce Ratbert, comme il m’a hideusement trompé !