Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/71

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Le porte-glaive fit, n’étant qu’un misérable,
Tomber sur l’enfant mort la tête vénérable.

Et voici ce qu’on vit dans ce même instant-là :
La tête de Ratbert sur le pavé roula,
Hideuse, comme si le même coup d’épée,
Frappant deux fois, l’avait de l’autre coupée.

L’horreur fut inouïe ; et, tous se retournant,
Sur le grand fauteuil d’or du trône rayonnant
Aperçurent le corps de l’empereur sans tête,
Et son cou d’où sortait, dans un bruit de tempête,
Un flot rouge, un sanglot de pourpre, éclaboussant
Les convives, le trône et la table, de sang.

Alors, dans la clarté d’abîme et de vertige
Qui marque le passage énorme d’un prodige,
Des deux têtes on vit l’une, celle du roi,
Entrer sous terre et fuir dans le gouffre d’effroi
Dont l’expiation formidable est la règle,
Et l’autre s’envoler avec des ailes d’aigle.