Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/83

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Ces hauteurs, ces splendeurs, ces chevaux de l’aurore
Dont le hennissement provoque l’infini,
Tout cet ensemble auguste, heureux, calme, béni,
Puissant, pur, rayonnait ; un coin était farouche ;
Là brillaient, près de l’antre où Gorgone se couche,
Les armes de chacun des grands dieux que l’autan
Gardait sévère, assis sur des os de titan ;
Là reposait la Force avec la Violence ;
On voyait, chauds encor, fumer les fers de lance ;
On voyait des lambeaux de chair aux coutelas
De Bellone, de Mars, d’Hécate et de Pallas,
Des cheveux au trident et du sang à la foudre.

Si le grain pouvait voir la meule prête à moudre,
Si la ronce du bouc apercevait la dent,
Ils auraient l’air pensif du sylvain, regardant
Les armures des dieux dans le bleu vestiaire ;
Il entra dans le ciel ; car le grand bestiaire
Tenait sa large oreille et ne le lâchait pas ;
Le bon faune crevait l’azur à chaque pas ;
Il boitait, tout gêné de sa fange première ;
Son pied fourchu faisait des trous dans la lumière,
La monstruosité brutale du sylvain
Étant lourde et hideuse au nuage divin.
Il avançait, ayant devant lui le grand voile
Sous lequel le matin glisse sa fraîche étoile ;