Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/85

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Sa rêverie, où l’ombre affreuse venait faire
Des taches de noirceur sur un fond de lumière,
Était comme la peau du léopard tigré ;
Selon qu’ils s’écartaient ou s’approchaient, au gré
De ses décisions clémentes ou funèbres,
Son pouce et son index faisaient dans les ténèbres
S’ouvrir ou se fermer les ciseaux d’Atropos ;
La radieuse paix naissait de son repos,
Et la guerre sortait du pli de sa narine ;
Il méditait, avec Thémis dans sa poitrine,
Calme, et si patient que les sœurs d’Arachné,
Entre le froid conseil de Minerve émané,
Et l’ordre redoutable attendu par Mercure,
Filaient leur toile au fond de sa pensée obscure.

Derrière Jupiter rayonnait Cupidon,
L’enfant cruel, sans pleurs, sans remords, sans pardon,
Qui, le jour qu’il naquit, riait, se sentant d’âge
À commencer, du haut des cieux, son brigandage.

L’univers apaisé, content, mélodieux,
Faisait une musique autour des vastes dieux ;
Partout où le regard tombait, c’était splendide ;
Toute l’immensité n’avait pas une ride ;