Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/110

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On était chevalier comme on est citoyen ;
Atteindre un juste but par un juste moyen,
Être clément au faible, aux puissants incommode,
Vaincre, mais rester pur, c'était la vieille mode ;
Jayme fut de son siècle, Ascagne est de son temps.
Les générations mêlent leurs pas flottants ;
Hélas, souvent un père, en qui brûle une flamme,
Dans son fils qui grandit voit décroître son âme.
Jadis la guerre, ayant pour loi l'honneur grondeur
Et la foi sainte, était terrible avec pudeur ;
Les paladins étaient à leurs vieux noms fidèles ;
Les aigles avaient moins de griffes et plus d'ailes ;
On n'est plus à présent les hommes d'autrefois ;
On ne voit plus les preux se ruer aux exploits
Comme des tourbillons d'âmes impétueuses ;
On a pour s'attaquer des façons tortueuses
Et sûres, dont le Cid, certes, n'eût pas voulu,
Et que dédaignerait le lion chevelu ;
Jadis les courts assauts, maintenant les longs siéges ;
Et tout s'achève, après les ruses et les piéges,
Par le sac des cités en flammes sous les cieux,
Et, comme on est moins brave, on est plus furieux ;
Ce qui fait qu'aujourd'hui les victoires sont noires.
Ascagne a désiré franchir des territoires
D'Alraz, ville qui doit aux Arabes son nom ;
Il a voulu passer, mais la ville a dit non ;
Don Ascagne a trouvé la réponse incivile,
Et, lance au poing, il a violé cette ville,