Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/171

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Vivre, aimer, tout est là. Le reste est ignorance ; Et la création est une transparence ; L'univers laisse voir toujours le même sceau, L'amour, dans le soleil ainsi que dans l'oiseau ; Nos sens sont des conseils ; des voix sont dans les choses ; Ces voix disent : Beautés, faites comme les roses ; Faites comme les nids, amants. Avril vainqueur Sourit, laissez le ciel vous entrer dans le cœur. Théocrite, ô ma belle, était tendre et facile ; Ces bons ménétriers de Grèce et de Sicile Chantaient juste, et leur vers reste aimable et charmeur Même quand la saison est de mauvaise humeur ; Ils étaient un peu fous comme tous les vrais sages ; Ils baisaient les pieds nus, guettaient les purs visages, N'avaient point de sophas et point de canapés, Et couchaient sur des lits de pampres frais coupés ; Ils se hâtaient d'aimer, car la vie est rapide ; La dernière heure éclôt dans la première ride ; Hélas, la pâle mort pousse d'un pied égal Votre beauté, madame, et notre madrigal. Vivons. Moi, j'ai l'amour pour devoir, et personne N'a droit de s'informer, belles, si je frissonne Parce que j'entrevois dans l'ombre un sein charmant ; Je prends ma part du vaste épanouissement ; Le plus sage en ce monde immense est le plus ivre. Femme, écoute ton cœur, ne lis pas d'autre livre ; Ce qu'ont fait les aïeux les enfants le refont, Et l'amour est toujours la même idylle au fond ;