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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/254

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Mais sentir le combat venir, nous réchauffait.
L'armée allait sur nous s'appuyer en effet ;
Nous étions les gardiens du centre, et la poignée
D'hommes sur qui la bombe, ainsi qu'une cognée,
Va s'acharner ; et j'eusse aimé mieux être ailleurs.
Je mis mes gens le long du mur ; en tirailleurs.
Et chacun se berçait de la chance peu sûre
D'un bon grade à travers une bonne blessure ;
À la guerre on se fait tuer pour réussir.
Mon lieutenant, garçon qui sortait de Saint-Cyr,
Me cria : — Le matin est une aimable chose ;
Quel rayon de soleil charmant ! La neige est rose !
Capitaine, tout brille et rit ! quel frais azur !
Comme ce paysage est blanc, paisible et pur !
— Cela va devenir terrible, répondis-je.
Et je songeais au Rhin, aux Alpes, à l'Adige,
À tous nos fiers combats sinistres d'autrefois.

Brusquement la bataille éclata. Six cents voix
Énormes, se jetant la flamme à pleines bouches,
S'insultèrent du haut des collines farouches,
Toute la plaine fut un abîme fumant,
Et mon tambour battait la charge éperdûment.
Aux canons se mêlait une fanfare altière,
Et les bombes pleuvaient sur notre cimetière,
Comme si l'on cherchait à tuer les tombeaux ;
On voyait du clocher s'envoler les corbeaux ;
Je me souviens qu'un coup d'obus troua la terre,