Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/271

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Et je suis le complice ! Et les bardes, les sages,
Les vaillants, les martyrs à mourir acharnés,
Les grands hommes que j'ai tant de fois incarnés,
Ne m'ont pas défendu de cette ignominie
D'être pantin après avoir été génie !

Vous condamnez l'airain aux avilissements.
Comme vous, je trahis et, comme vous, je mens.
Je trahis la vertu, je trahis la durée ;
Je trahis la colère, âpre muse azurée,
Qui rend et fait justice, et n'a pas d'autre soin ;
Et devant Juvénal je suis un faux témoin.
Chute et deuil ! Je trahis le lever de l'étoile,
Qui dans l'ombre, à travers la nuit, son chaste voile,
Cherchant à l'horizon des bronzes radieux,
Aperçoit des bandits au lieu de voir des dieux !

Ma fournaise m'indigne, à mal faire occupée.
Ceux qui vendent la loi, ceux qui vendent l'épée,
Brumaire avec Leclerc, Décembre avec Morny,
Un tas d'ingrédients, faux droits, sceptre impuni,
Le vieil autel, le vieux billot, la vieille chaîne,
Auxquels on a mêlé la conscience humaine,
Tout cela dans la cuve obscure flotte et fond.