Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/289

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Luire en tous tes soleils toutes tes évidences,
Qui crèverait cet œil, l'astre où tu te condenses,
S'il pouvait, et ferait la nuit sur l'horizon,
Qui tarife l'autel, l'antienne, l'oraison,
Qui, par devant superbe et vendu par derrière,
Offre au riche et refuse au pauvre sa prière,
Si le pauvre ne peut le payer assez cher ;
Est-ce que ce vivant à regret, que la chair
Indigne, et qui jadis nia l'âme des femmes,
Qui préfère à l'hymen, aux purs épithalames,
Aux nids, ce suicide affreux, le célibat ;
Qui voudrait qu'à son gré le firmament tombât,
Qui devant Josué soufflette Galilée,
Qui dresse un noir bûcher dans ton ombre étoilée,
Et tâche d'éclipser l'aube au sommet du mont,
Torquemada là-bas, chez nous Laubardemont ;
Qui, dans l'Inde, en Espagne, au Mexique, aux Cévennes,
Saigna l'humanité gisante aux quatre veines,
Qui voit la guerre, et chante un Te Deum dessus,
Qui repaierait Judas et reclouerait Jésus,
Indulgent à qui règne et sévère à qui souffre,
Ayant sous lui l'erreur comme l'onde a le gouffre,
Sorte d'homme terrible où l'on peut naufrager ;
Dis, est-ce que moi, pâle et flottant passager
Qui veux la clarté vraie et non la lueur fausse,
Je dois faire appeler cet homme sur ma fosse ?
Est-ce que sur la tombe il est le bien venu ?
Est-ce qu'il est celui qu'écoute l'Inconnu ?