Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/362

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Et tous, Cervin, Combin, le Pilate fumant
Qui sonne tout entier comme un grand instrument,
Tant les troupeaux le soir l’emplissent de clarines,
Titlis soufflant l’orage au vent de ses narines,
15Le Baken qui chassa Gessler, et le Rigi
Par qui plus d’ouragan sur le lac a rugi,
Pelvoux tout enivré de la senteur des sauges,
Cenis qui voit l’Isère, Albis qui voit les Vosges,
Morcle à la double dent, Dru noir comme un bourreau,
20L’Orteler, et la Vierge immense, la Jungfrau
Qui ne livre son front qu’aux baisers des étoiles,
Schwitz tendant ses glaciers comme de blanches toiles,
Le haut Mythen, clocher de la cloche Aquilon,
Tous, du lac au chalet, de l’abîme au vallon,
25Roulant la nue aux cieux et le bloc aux moraines,
Aiguilles, pics de neige et cimes souveraines,
Autour du puissant mont chantent, chœur monstrueux :
— C’est lui ! le pâtre blanc des monts tumultueux !
Il nous protége tous et tous il nous dépasse ;
30Il est l’enchantement splendide de l’espace ;
Ses rocs sont épopée et ses vallons roman ;
Il mêle un argent sombre aux moires du Léman ;
L’océan aurait peur sous ses hautes falaises,
Et ses brins d’herbe sont plus fiers que nos mélèzes ;
35Il nous éclaire après que l’astre s’est couché ;
Dans le brun crépuscule il apparaît penché,
Et l’on croit de Titan voir l’effrayante larve ;
Il tresse le bleu Rhône aux cheveux d’or de l’Arve ;