Page:Hugo - Le Roi s amuse.djvu/11

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faire face à l’arbitraire et à l’injustice, ceux-là mêmes qui l’attaquaient le plus violemment la veille. Si par hasard quelques haines invétérées ont persisté, elles regrettent maintenant le secours momentané qu’elles ont apporté au pouvoir. Tout ce qu’il y a d’honorable et de loyal parmi les ennemis de l’auteur est venu lui tendre la main, quitte à recommencer le combat littéraire aussitôt que le combat politique sera fini. En France, quiconque est persécuté n’a plus d’ennemis que le persécuteur.

Si maintenant, après avoir établi que l’acte ministériel est odieux, inqualifiable, impossible en droit, nous voulons bien descendre pour un moment à le discuter comme fait matériel et a chercher de quels éléments ce fait semble devoir être composé, la première question qui se présente est celle-ci, et il n’est personne qui ne se la soit faite : — Quel peut être le motif d’une pareille mesure ?

Il faut bien le dire, parce que cela est, et que, si l’avenir s’occupe un jour de nos petits hommes et de nos petites choses, cela ne sera pas le détail le moins curieux de ce curieux événement ; il paraît que nos faiseurs de censure se prétendent scandalisés dans leur morale par le Roi s’amuse ; cette pièce a révolté la pudeur des gendarmes ; la brigade Léotaud y était et l’a trouvée obscène ; le bureau des mœurs s’est voilé la face ; M. Vidocq a rougi. Enfin le mot d’ordre que la censure a donné à la police, et que l’on balbutie depuis quelques jours autour de nous, le voici tout net : C’est que la pièce est immorale. — Holà, mes maîtres ! silence sur ce point.

Expliquons-nous pourtant, non pas avec la police à laquelle, moi, honnête homme, je défends de parler de ces matières, mais avec le petit nombre de personnes respec-