Page:Hugo - Le Roi s amuse.djvu/14

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Au fond de l’un des autres ouvrages de l’auteur, il y a la fatalité. Au fond de celui-ci, il y a la providence.

Nous le redisons expressément, ce n’est pas avec la police que nous discutons ici, nous ne lui faisons pas tant d’honneur, c’est avec la partie du public à laquelle cette discussion peut sembler nécessaire. Poursuivons.

Si l’ouvrage est moral par l’invention, est-ce qu’il serait immoral par l’exécution ? La question ainsi posée nous paraît se détruire d’elle-même, mais voyons. Probablement rien d’immoral au premier et au second acte. Est-ce la situation du troisième qui vous choque ? Lisez ce troisième acte, et dites-nous, en toute probité, si l’impression qui en résulte n’est pas profondément chaste, vertueuse et honnête ?

Est-ce le quatrième acte ? Mais depuis quand n’est-il plus permis à un roi de courtiser sur la scène une servante d’auberge ? Cela n’est même nouveau ni dans l’histoire ni au théâtre. Il y a mieux, l’histoire nous permettait de vous montrer François Ier ivre dans les bouges de la rue du Pélican. Mener un roi dans un mauvais lieu, cela ne serait pas même nouveau non plus. Le théâtre grec, qui est le théâtre classique, l’a fait, Shakespeare, qui est le théâtre romantique, l’a fait ; eh bien ! l’auteur de ce drame ne l’a pas fait. Il sait tout ce qu’on a écrit de la maison de Saltabadil. Mais pourquoi lui faire dire ce qu’il n’a pas dit ? pourquoi lui faire franchir de force une limite qui est tout en pareil cas et qu’il n’a pas franchie ? Cette bohémienne Maguelonne, tant calomniée, n’est, assurément, pas plus effrontée que toutes les Lisettes et toutes les Martons du vieux théâtre. La cabane de Saltabadil est une hô-