Tous y viendront.
Chacun prend à son tour la route redoutable ;
Chacun sort en tremblant ;
Chantez, riez ; soyez heureux, soyez célèbres ;
Chacun de vous sera bientôt dans les ténèbres
Le spectre au regard blanc.
La foule vous admire et l’azur vous éclaire ;
Vous êtes riche, grand, glorieux, populaire,
Puissant, fier, encensé ;
Vos licteurs devant vous, graves, portent la hache ;
Et vous vous en irez sans que personne sache
Où vous avez passé.
Jeunes filles, hélas ! qui donc croit à l’aurore ?
Votre lèvre pâlit pendant qu’on danse encore
Dans le bal enchanté ;
Dans les lustres blêmis on voit grandir le cierge ;
La mort met sur vos fronts ce grand voile de vierge
Qu’on nomme éternité.
Le conquérant, debout dans une aube enflammée,
Penche, et voit s’en aller son épée en fumée ;
L’amante avec l’amant
Passe ; le berceau prend une voix sépulcrale ;
L’enfant rose devient larve horrible, et le râle
Sort du vagissement.
Ce qu’ils disaient hier, le savent-ils eux-mêmes ?
Des chimères, des vœux, des cris, de vains problèmes !
Ô néant inouï !