Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/450

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Hommes, plus bas que vous, dans le nadir livide,
Dans cette plénitude horrible qu’on croit vide,
Le mal, qui par la chair, hélas ! vous asservit,
Dégorge une vapeur monstrueuse qui vit !
Là sombre et s’engloutit, dans des flots de désastres,
L’hydre Univers tordant son corps écaillé d’astres ;
Là, tout flotte et s’en va dans un naufrage obscur ;
Dans ce gouffre sans bord, sans soupirail, sans mur,
De tout ce qui vécut pleut sans cesse la cendre ;
Et l’on voit tout au fond, quand l’œil ose y descendre,
Au delà de la vie, et du souffle et du bruit,
Un affreux soleil noir d’où rayonne la nuit !


*


Donc, la matière pend à l’idéal, et tire
L’esprit vers l’animal, l’ange vers le satyre,
Le sommet vers le bas, l’amour vers l’appétit.
Avec le grand qui croule elle fait le petit.

Comment de tant d’azur tant de terreur s’engendre,
Comment le jour fait l’ombre et le feu pur la cendre,
Comment la cécité peut naître du voyant,
Comment le ténébreux descend du flamboyant,
Comment du monstre esprit naît le monstre matière,
Un jour, dans le tombeau, sinistre vestiaire,
Tu le sauras ; la tombe est faite pour savoir ;
Tu verras ; aujourd’hui tu ne peux qu’entrevoir ;
Mais, puisque Dieu permet que ma voix t’avertisse,
Je te parle.

Je te parle.Et, d’abord, qu’est-ce que la justice ?
Qui la rend ? qui la fait ? où ? quand ? à quel moment ?
Qui donc pèse la faute ? et qui le châtiment ?