Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

monsieur. Il avait un beau-père, une tante riche, des parents, je ne sais plus trop, qui menaçaient de déshériter l’enfant si, lui le père, il le voyait. Il s’était sacrifié pour que son fils fût riche un jour et heureux. On l’en séparait pour opinion politique. Certainement j’approuve les opinions politiques, mais il y a des gens qui ne savent pas s’arrêter. Mon Dieu ! parce qu’un homme a été à Waterloo, ce n’est pas un monstre ; on ne sépare point pour cela un père de son enfant. C’était un colonel de Bonaparte. Il est mort, je crois. Il demeurait à Vernon où j’ai mon frère curé, et il s’appelait quelque chose comme Pontmarie ou Montpercy… — Il avait, ma foi, un beau coup de sabre.

— Pontmercy ? dit Marius en pâlissant.

— Précisément. Pontmercy. Est-ce que vous l’avez connu ?

— Monsieur, dit Marius, c’était mon père.

Le vieux marguillier joignit les mains, et s’écria :

— Ah ! vous êtes l’enfant ! Oui, c’est cela, ce doit être un homme à présent. Eh bien ! pauvre enfant, vous pouvez dire que vous avez eu un père qui vous a bien aimé !

Marius offrit son bras au vieillard et le ramena jusqu’à son logis. Le lendemain, il dit à M. Gillenormand :

— Nous avons arrangé une partie de chasse avec quelques amis. Voulez-vous me permettre de m’absenter trois jours ?

— Quatre ! répondit le grand-père. Va, amuse-toi.

Et, clignant de l’œil, il dit bas à sa fille :

— Quelque amourette !