Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/130

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— Bon, grommela-t-il, à demi endormi encore, c’est ici que je descends.

Puis, sa mémoire se nettoyant par degrés, effet du réveil, il songea à sa tante, aux dix louis, et au compte qu’il s’était chargé de rendre des faits et gestes de Marius. Cela le fit rire.

Il n’est peut-être plus dans la voiture, pensa-t-il, tout en reboutonnant sa veste de petit uniforme. Il a pu s’arrêter à Poissy ; il a pu s’arrêter à Triel ; s’il n’est pas descendu à Meulan, il a pu descendre à Mantes, à moins qu’il ne soit descendu à Rolleboise, ou qu’il n’ait poussé jusqu’à Pacy, avec le choix de tourner à gauche sur Évreux ou à droite sur Laroche-Guyon. Cours après, ma tante. Que diable vais-je lui écrire, à la bonne vieille ?

En ce moment un pantalon noir qui descendait de l’impériale apparut à la vitre du coupé.

— Serait-ce Marius ? dit le lieutenant.

C’était Marius.

Une petite paysanne, au bas de la voiture, mêlée aux chevaux et aux postillons, offrait des fleurs aux voyageurs. — Fleurissez vos dames, criait-elle.

Marius s’approcha d’elle et lui acheta les plus belles fleurs de son éventaire.

— Pour le coup, dit Théodule sautant à bas du coupé, voilà qui me pique. À qui diantre va-t-il porter ces fleurs-là ? Il faut une fièrement jolie femme pour un si beau bouquet. Je veux la voir.

Et, non plus par mandat maintenant, mais par curiosité personnelle, comme ces chiens qui chassent pour leur compte, il se mit à suivre Marius.