Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/176

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L’Allemagne, c’est la lymphe ; l’Italie, c’est la bile. Nous extasierons-nous sur la Russie ? Voltaire l’admirait. Il admirait aussi la Chine. Je conviens que la Russie a ses beautés, entre autres un fort despotisme ; mais je plains les despotes. Ils ont une santé délicate. Un Alexis décapité, un Pierre poignardé, un Paul étranglé, un autre Paul aplati à coups de talon de botte, divers Ivans égorgés, plusieurs Nicolas et Basiles empoisonnés, tout cela indique que le palais des empereurs de Russie est dans une condition flagrante d’insalubrité. Tous les peuples civilisés offrent à l’admiration du penseur ce détail, la guerre ; or la guerre, la guerre civilisée, épuise et totalise toutes les formes du banditisme, depuis le brigandage des trabucaires aux gorges du mont Jaxa jusqu’à la maraude des Indiens Comanches dans la Passe-Douteuse. Bah ! me direz-vous, l’Europe vaut pourtant mieux que l’Asie ? Je conviens que l’Asie est farce ; mais je ne vois pas trop ce que vous avez à rire du grand lama, vous peuples d’occident qui avez mêlé à vos modes et à vos élégances toutes les ordures compliquées de majesté, depuis la chemise sale de la reine Isabelle jusqu’à la chaise percée du dauphin. Messieurs les humains, je vous dis bernique ! C’est à Bruxelles que l’on consomme le plus de bière, à Stockholm le plus d’eau-de-vie, à Madrid le plus de chocolat, à Amsterdam le plus de genièvre, à Londres le plus de vin, à Constantinople le plus de café, à Paris le plus d’absinthe ; voilà toutes les notions utiles. Paris l’emporte, en somme. À Paris, les chiffonniers mêmes sont des sybarites ; Diogène eût autant aimé être chiffonnier place Maubert que philosophe au Pirée. Apprenez encore ceci : les cabarets des