Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait traversé comme une lame d’acier son effusion épique, et il la sentait s’évanouir en lui. Lorsqu’il leva les yeux, Combeferre n’était plus là. Satisfait probablement de sa réplique à l’apothéose, il venait de partir, et tous, excepté Enjolras, l’avaient suivi. La salle s’était vidée. Enjolras, resté seul avec Marius, le regardait gravement. Marius, cependant, ayant un peu rallié ses idées, ne se tenait pas pour battu ; il y avait en lui un reste de bouillonnement qui allait sans doute se traduire en syllogismes déployés contre Enjolras, quand tout à coup on entendit quelqu’un qui chantait dans l’escalier en s’en allant. C’était Combeferre, et voici ce qu’il chantait :

Si César m’avait donné
La gloire et la guerre,
Et qu’il me fallût quitter
L’amour de ma mère,
Je dirais au grand César :
Reprends ton sceptre et ton char,
J’aime mieux ma mère, ô gué !
J’aime mieux ma mère.

L’accent tendre et farouche dont Combeferre le chantait donnait à ce couplet une sorte de grandeur étrange. Marius, pensif et l’œil au plafond, répéta presque machinalement : Ma mère ?…

En ce moment, il sentit sur son épaule la main d’Enjolras.

— Citoyen, lui dit Enjolras, ma mère, c’est la république.