Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/28

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scande comme un vers d’Homère, avec une notation presque aussi inexprimable que la mélopée éleusiaque des Panathénées, et l’on y retrouve l’antique Évohé. Le voici : — Ohé, Titi, ohéée ! y a de la grippe, y a de la cogne, prends tes zardes et va-t’en, pâsse par l’égout !

Quelquefois ce moucheron — c’est ainsi qu’il se qualifie lui-même — sait lire ; quelquefois il sait écrire, toujours il sait barbouiller. Il n’hésite pas à se donner, par on ne sait quel mystérieux enseignement mutuel, tous les talents qui peuvent être utiles à la chose publique ; de 1815 à 1830, il imitait le cri du dindon ; de 1830 à 1848, il griffonnait une poire sur les murailles. Un soir d’été, Louis-Philippe, rentrant à pied, en vit un, tout petit, haut comme cela, qui suait et se haussait pour charbonner une poire gigantesque sur un des piliers de la grille de Neuilly ; le roi, avec cette bonhomie qui lui venait de Henri IV, aida le gamin, acheva la poire, et donna un louis à l’enfant en lui disant : La poire est aussi là-dessus. Le gamin aime le hourvari. Un certain état violent lui plaît. Il exècre « les curés ». Un jour, rue de l’Université, un de ces jeunes drôles faisait un pied de nez à la porte cochère du numéro 69. — Pourquoi fais-tu cela à cette porte ? lui demanda un passant. L’enfant répondit : Il y a là un curé. C’est là, en effet, que demeure le nonce du pape. Cependant, quel que soit le voltairianisme du gamin, si l’occasion se présente d’être enfant de chœur, il se peut qu’il accepte, et dans ce cas il sert la messe poliment. Il y a deux choses dont il est le Tantale et qu’il désire toujours sans y atteindre jamais : renverser le gouvernement et faire recoudre son pantalon.