Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/364

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Marius redoubla d’attention.

Demeuré seul avec sa femme, Jondrette se remit à marcher dans la chambre et en fit deux ou trois fois le tour en silence. Puis il passa quelques minutes à faire rentrer et à enfoncer dans la ceinture de son pantalon le bas de la chemise de femme qu’il portait.

Tout à coup il se tourna vers la Jondrette, croisa les bras, et s’écria :

— Et veux-tu que je te dise une chose ? La demoiselle…

— Eh bien quoi ? repartit la femme, la demoiselle ?

Marius n’en pouvait douter, c’était bien d’elle qu’on parlait. Il écoutait avec une anxiété ardente. Toute sa vie était dans ses oreilles.

Mais le Jondrette s’était penché, et avait parlé bas à sa femme. Puis il se releva et termina tout haut :

— C’est elle !

— Ça ? dit la femme.

— Ça ! dit le mari.

Aucune expression ne saurait rendre ce qu’il y avait dans le ça de la mère. C’était la surprise, la rage, la haine, la colère, mêlées et combinées dans une intonation monstrueuse. Il avait suffi de quelques mots prononcés, du nom sans doute, que son mari lui avait dit à l’oreille, pour que cette grosse femme assoupie se réveillât, et de repoussante devînt effroyable.

— Pas possible ! s’écria-t-elle. Quand je pense que mes filles vont nu-pieds et n’ont pas une robe à mettre ! Comment ! une pelisse de satin, un chapeau de velours, des