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Page:Hugo - Les Misérables Tome III (1890).djvu/44

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père, et d’une camisole de femme, mais il ne la tenait pas de sa mère. Des gens quelconques l’avaient habillé de chiffons par charité. Pourtant il avait un père et une mère. Mais son père ne songeait pas à lui et sa mère ne l’aimait point. C’était un de ces enfants dignes de pitié entre tous qui ont père et mère et qui sont orphelins.

Cet enfant ne se sentait jamais si bien que dans la rue. Le pavé lui était moins dur que le cœur de sa mère.

Ses parents l’avaient jeté dans la vie d’un coup de pied.

Il avait tout bonnement pris sa volée.

C’était un garçon bruyant, blême, leste, éveillé, goguenard, à l’air vivace et maladif. Il allait, venait, chantait, jouait à la fayousse, grattait les ruisseaux, volait un peu, mais comme les chats et les passereaux, gaîment, riait quand on l’appelait galopin, se fâchait quand on l’appelait voyou. Il n’avait pas de gîte, pas de pain, pas de feu, pas d’amour ; mais il était joyeux parce qu’il était libre.

Quand ces pauvres êtres sont des hommes, presque toujours la meule de l’ordre social les rencontre et les broie, mais tant qu’ils sont enfants, ils échappent, étant petits. Le moindre trou les sauve.

Pourtant, si abandonné que fût cet enfant, il arrivait parfois, tous les deux ou trois mois, qu’il disait : Tiens, je vais voir maman ! Alors il quittait le boulevard, le Cirque, la porte Saint-Martin, descendait aux quais, passait les ponts, gagnait les faubourgs, atteignait la Salpêtrière, et arrivait où ? Précisément à ce double numéro 50-52 que le lecteur connaît, à la masure Gorbeau.