Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/112

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Puis, prenant son parti, il se dressa.

En ce moment il eut un soubresaut. Il sentit que par derrière on le tenait.

Il se retourna ; c’était la main ouverte qui s’était refermée et qui avait saisi le pan de sa capote.

Un honnête homme eût eu peur. Celui-ci se mit à rire.

— Tiens, dit-il, ce n’est que le mort. J’aime mieux un revenant qu’un gendarme.

Cependant la main défaillit et le lâcha. L’effort s’épuise vite dans la tombe.

— Ah çà ! reprit le rôdeur, est-il vivant ce mort ? Voyons donc.

Il se pencha de nouveau, fouilla le tas, écarta ce qui faisait obstacle, saisit la main, empoigna le bras, dégagea la tête, tira le corps, et quelques instants après il traînait dans l’ombre du chemin creux un homme inanimé, au moins évanoui. C’était un cuirassier, un officier, un officier même d’un certain rang ; une grosse épaulette d’or sortait de dessous la cuirasse ; cet officier n’avait plus de casque. Un furieux coup de sabre balafrait son visage où l’on ne voyait que du sang. Du reste, il ne semblait pas qu’il eût de membre cassé, et par quelque hasard heureux, si ce mot est possible ici, les morts s’étaient arc-boutés au-dessus de lui de façon à le garantir de l’écrasement. Ses yeux étaient fermés.

Il avait sur sa cuirasse la croix d’argent de la Légion d’honneur.

Le rôdeur arracha cette croix qui disparut dans un des gouffres qu’il avait sous sa capote.