Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/195

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Cosette, selon sa coutume toutes les fois que la Thénardier élevait la voix, sortit bien vite de dessous la table.

Elle avait complètement oublié ce pain. Elle eut recours à l’expédient des enfants toujours effrayés. Elle mentit.

— Madame, le boulanger était fermé.

— Il fallait cogner.

— J’ai cogné, madame.

— Eh bien ?

— Il n’a pas ouvert.

— Je saurai demain si c’est vrai, dit la Thénardier, et si tu mens tu auras une fière danse. En attendant, rends-moi la pièce-quinze-sous.

Cosette plongea sa main dans la poche de son tablier, et devint verte. La pièce de quinze sous n’y était plus.

— Ah çà ! dit la Thénardier, m’as-tu entendue ?

Cosette retourna la poche. Il n’y avait rien. Qu’est-ce que cet argent pouvait être devenu ? La malheureuse petite ne trouva pas une parole. Elle était pétrifiée.

— Est-ce que tu l’as perdue, la pièce-quinze-sous ? râla la Thénardier, ou bien est-ce que tu veux me la voler ?

En même temps elle allongea le bras vers le martinet suspendu à l’angle de la cheminée.

Ce geste redoutable rendit à Cosette la force de crier :

— Grâce ! madame ! madame ! je ne le ferai plus.

La Thénardier détacha le martinet.

Cependant l’homme à la redingote jaune avait fouillé dans le gousset de son gilet, sans qu’on eût remarqué ce mouvement. D’ailleurs les autres voyageurs buvaient ou jouaient aux cartes et ne faisaient attention à rien.