Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/202

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brassières, l’enfant devient jeune fille, la jeune fille devient grande fille, la grande fille devient femme. Le premier enfant continue la dernière poupée.

Une petite fille sans poupée est à peu près aussi malheureuse et tout à fait aussi impossible qu’une femme sans enfants.

Cosette s’était donc fait une poupée avec le sabre.

La Thénardier, elle, s’était rapprochée de l’homme jaune. — Mon mari a raison, pensait-elle, c’est peut-être monsieur Laffitte. Il y a des riches si farces !

Elle vint s’accouder à sa table.

— Monsieur… dit-elle.

À ce mot monsieur, l’homme se retourna, La Thénardier ne l’avait encore appelé que brave homme ou bonhomme.

— Voyez-vous, monsieur, poursuivit-elle en prenant son air douceâtre qui était encore plus fâcheux à voir que son air féroce, je veux bien que l’enfant joue, je ne m’y oppose pas, mais c’est bon pour une fois, parce que vous êtes généreux. Voyez-vous, cela n’a rien. Il faut que cela travaille.

— Elle n’est donc pas à vous, cette enfant ? demanda l’homme,

— Oh, mon Dieu, non, monsieur ! c’est une petite pauvre que nous avons recueillie comme cela, par charité. Une espèce d’enfant imbécile. Elle doit avoir de l’eau dans la tête. Elle a la tête grosse, comme vous voyez. Nous faisons pour elle ce que nous pouvons, car nous ne sommes pas riches. Nous avons beau écrire à son pays, voilà six mois