Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/205

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Et elle désignait du doigt Cosette.

Cosette, elle, tout entière aux extases de la possession, ne voyait et n’entendait plus rien.

Le visage de la Thénardier prit cette expression particulière qui se compose du terrible mêlé aux riens de la vie et qui a fait nommer ces sortes de femmes : mégères.

Cette fois, l’orgueil blessé exaspérait encore sa colère. Cosette avait franchi tous les intervalles, Cosette avait attenté à la poupée de « ces demoiselles ».

Une czarine qui verrait un mougick essayer le grand cordon bleu de son impérial fils n’aurait pas une autre figure.

Elle cria d’une voix que l’indignation enrouait :

— Cosette !

Cosette tressaillit comme si la terre eût tremblé sous elle. Elle se retourna.

— Cosette ! répéta la Thénardier.

Cosette prit la poupée et la posa doucement à terre avec une sorte de vénération mêlée de désespoir. Alors, sans la quitter des yeux, elle joignit les mains, et, ce qui est effrayant à dire dans un enfant de cet âge, elle se les tordit ; puis, ce que n’avait pu lui arracher aucune des émotions de la journée, ni la course dans le bois, ni la pesanteur du seau d’eau, ni la perte de l’argent, ni la vue du martinet, ni même la sombre parole qu’elle avait entendu dire à la Thénardier, — elle pleura. Elle éclata en sanglots.

Cependant le voyageur s’était levé.

— Qu’est-ce donc ? dit-il à la Thénardier.

— Vous ne voyez pas ? dit la Thénardier en montrant