Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle ne pleurait plus, elle ne criait plus, elle avait l’air de ne plus oser respirer.

La Thénardier, Éponine, Azelma étaient autant de statues. Les buveurs eux-mêmes s’étaient arrêtés. Il s’était fait un silence solennel dans tout le cabaret.

La Thénardier, pétrifiée et muette, recommençait ses conjectures : — Qu’est-ce que c’est que ce vieux ? est-ce un pauvre ? est-ce un millionnaire ? C’est peut-être les deux, c’est-à-dire un voleur.

La face du mari Thénardier offrit cette ride expressive qui accentue la figure humaine chaque fois que l’instinct dominant y apparaît avec toute sa puissance bestiale. Le gargotier considérait tour à tour la poupée et le voyageur ; il semblait flairer cet homme comme il eût flairé un sac d’argent. Cela ne dura que le temps d’un éclair. Il s’approcha de sa femme et lui dit bas :

— Cette machine coûte au moins trente francs. Pas de bêtises. À plat ventre devant l’homme !

Les natures grossières ont cela de commun avec les natures naïves qu’elles n’ont pas de transitions.

— Eh bien, Cosette, dit la Thénardier d’une voix qui voulait être douce et qui était toute composée de ce miel aigre des méchantes femmes, est-ce que tu ne prends pas la poupée ?

Cosette se hasarda à sortir de son trou.

— Ma petite Cosette, reprit le Thénardier d’un air caressant, monsieur te donne une poupée. Prends-la. Elle est à toi.

Cosette considérait la poupée merveilleuse avec une