Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/263

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Ceci n’est qu’une opinion personnelle ; mais pour dire notre pensée tout entière, au point où en était Jean Valjean quand il se mit à aimer Cosette, il ne nous est pas prouvé qu’il n’ait pas eu besoin de ce ravitaillement pour persévérer dans le bien. Il venait de voir sous de nouveaux aspects la méchanceté des hommes et la misère de la société, aspects incomplets et qui ne montraient fatalement qu’un côté du vrai, le sort de la femme résumé dans Fantine, l’autorité publique personnifiée dans Javert ; il était retourné au bagne, cette fois pour avoir bien fait ; de nouvelles amertumes l’avaient abreuvé ; le dégoût et la lassitude le reprenaient ; le souvenir même de l’évêque touchait peut-être à quelque moment d’éclipse, sauf à reparaître plus tard lumineux et triomphant ; mais enfin ce souvenir sacré s’affaiblissait. Qui sait si Jean Valjean n’était pas à la veille de se décourager et de retomber ? Il aima, et il redevint fort. Hélas ! il n’était guère moins chancelant que Cosette. Il la protégea et elle l’affermit. Grâce à lui, elle put marcher dans la vie ; grâce à elle, il put continuer dans la vertu. Il fut le soutien de cet enfant et cet enfant fut son point d’appui. Ô mystère insondable et divin des équilibres de la destinée !