Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/492

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mangé non plus, ni dormi. La digne fruitière lui avait fait cent questions, sans obtenir d’autre réponse qu’un regard morne, toujours le même. Cosette n’avait rien laissé transpirer de tout ce qu’elle avait entendu et vu depuis deux jours. Elle devinait qu’on traversait une crise. Elle sentait profondément qu’il fallait « être sage ». Qui n’a éprouvé la souveraine puissance de ces trois mots prononcés avec un certain accent dans l’oreille d’un petit être effrayé : Ne dis rien ! La peur est une muette. D’ailleurs, personne ne garde un secret comme un enfant.

Seulement, quand, après ces lugubres vingt-quatre heures, elle avait revu Jean Valjean, elle avait poussé un tel cri de joie, que quelqu’un de pensif qui l’eût entendu eût deviné dans ce cri la sortie d’un abîme.

Fauchelevent était du couvent et savait les mots de passe. Toutes les portes s’ouvrirent.

Ainsi fut résolu le double et effrayant problème : sortir et entrer.

Le portier, qui avait ses instructions, ouvrit la petite porte de service qui communiquait de la cour au jardin, et qu’il y a vingt ans on voyait encore de la rue, dans le mur du fond de la cour, faisant face à la porte cochère. Le portier les introduisit tous les trois par cette porte, et, de là, ils gagnèrent ce parloir intérieur réservé où Fauchelevent, la veille, avait pris les ordres de la prieure.

La prieure, son rosaire à la main, les attendait. Une mère vocale, le voile bas, était debout près d’elle. Une chandelle discrète éclairait, on pourrait presque dire faisait semblant d’éclairer le parloir.