Aller au contenu

Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

delberg, ou mieux encore à ce que dut éprouver Jonas dans le ventre biblique de la baleine. Tout un squelette gigantesque leur apparaissait et les enveloppait. En haut, une longue poutre brune d’où partaient de distance en distance de massives membrures cintrées figurait la colonne vertébrale avec les côtes, des stalactites de plâtre y pendaient comme des viscères, et d’une côte à l’autre de vastes toiles d’araignée faisaient des diaphragmes poudreux. On voyait çà et là dans les coins de grosses taches noirâtres qui avaient l’air de vivre et qui se déplaçaient rapidement avec un mouvement brusque et effaré.

Les débris tombés du dos de l’éléphant sur son ventre en avaient comblé la concavité, de sorte qu’on pouvait y marcher comme sur un plancher.

Le plus petit se rencogna contre son frère et dit à demi-voix :

— C’est noir.

Ce mot fit exclamer Gavroche. L’air pétrifié des deux mômes rendait une secousse nécessaire.

— Qu’est-ce que vous me fichez ? s’écria-t-il. Blaguons-nous ? faisons-nous les dégoûtés ? vous faut-il pas les Tuileries ? Seriez-vous des brutes ? Dites-le. Je vous préviens que je ne suis pas du régiment des godiches. Ah çà, est-ce que vous êtes les moutards du moutardier du pape ?

Un peu de rudoiement est bon dans l’épouvante. Cela rassure. Les deux enfants se rapprochèrent de Gavroche.

Gavroche, paternellement attendri de cette confiance, passa « du grave au doux » et s’adressant au plus petit :

— Bêta, lui dit-il en accentuant l’injure d’une nuance