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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

tout à fait obscure, un homme qui se glissait le long des murailles et qui venait du côté de la rue Pavée s’arrêter dans le renfoncement au-dessus duquel Thénardier était comme suspendu. Cet homme fut rejoint par un second qui marchait avec la même précaution, puis par un troisième, puis par un quatrième. Quand ces hommes furent réunis, l’un d’eux souleva le loquet de la porte de la palissade, et ils entrèrent tous quatre dans l’enceinte où est la baraque. Ils se trouvaient précisément au-dessous de Thénardier. Ces hommes avaient évidemment choisi ce renfoncement pour pouvoir causer sans être vus des passants ni de la sentinelle qui garde le guichet de la Force à quelques pas de là. Il faut dire aussi que la pluie tenait cette sentinelle bloquée dans sa guérite. Thénardier, ne pouvant distinguer leurs visages, prêta l’oreille à leurs paroles avec l’attention désespérée d’un misérable qui se sent perdu.

Thénardier vit passer devant ses yeux quelque chose qui ressemblait à l’espérance, ces hommes parlaient argot.

Le premier disait bas, mais distinctement :

— Décarrons. Qu’est-ce que nous maquillons icigo[1] ?

Le second répondit :

— Il lansquine à éteindre le riffe du rabouin. Et puis les coqueurs vont passer, il y a là un grivier qui porte gaffe, nous allons nous faire emballer icicaille[2] ?

Ces deux mots, icigo et icicaille, qui tous deux veulent dire ici, et qui appartiennent, le premier à l’argot des bar-

  1. Allons-nous-en. Qu’est-ce que nous faisons ici ?
  2. Il pleut à éteindre le feu du diable. Et puis les gens de police vont passer. Il y a là un soldat qui fait sentinelle. Nous allons nous faire arrêter ici.