Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/33

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les rois, nous l’avons dit, avait été en France diversement interprétée.

Dieu livre aux hommes ses volontés visibles dans les évènements, texte obscur écrit dans une langue mystérieuse. Les hommes en font sur-le-champ des traductions ; traductions hâtives, incorrectes, pleines de fautes, de lacunes et de contre-sens. Bien peu d’esprits comprennent la langue divine. Les plus sagaces, les plus calmes, les plus profonds, déchiffrent lentement, et, quand ils arrivent avec leur texte, la besogne est faite depuis longtemps ; il y a déjà vingt traductions sur la place publique. De chaque traduction naît un parti, et de chaque contre-sens une faction ; et chaque parti croit avoir le seul vrai texte, et chaque faction croit posséder la lumière.

Souvent le pouvoir lui-même est une faction.

Il y a dans les révolutions des nageurs à contre-courant ; ce sont les vieux partis.

Pour les vieux partis qui se rattachent à l’hérédité par la grâce de Dieu, les révolutions étant sorties du droit de révolte, on a droit de révolte contre elles. Erreur. Car dans les révolutions le révolté, ce n’est pas le peuple, c’est le roi. Révolution est précisément le contraire de révolte. Toute révolution, étant un accomplissement normal, contient en elle sa légitimité, que de faux révolutionnaires déshonorent quelquefois, mais qui persiste, même souillée, qui survit, même ensanglantée. Les révolutions sortent, non d’un accident, mais de la nécessité. Une révolution est un retour du factice au réel. Elle est parce qu’il faut qu’elle soit.

Les vieux partis légitimistes n’en assaillaient pas moins