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Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/373

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LES DÉSOLATIONS.

dans la chambre. Il se tourna vers sa fille et lui dit :

— Rien. C’est monsieur Marius. Dites-lui bonjour. Monsieur veut se marier. Voilà. Allez-vous-en.

Le son de voix bref et rauque du vieillard annonçait une étrange plénitude d’emportement. La tante regarda Marius d’un air effaré, parut à peine le reconnaître, ne laissa pas échapper un geste ni une syllabe, et disparut au souffle de son père plus vite qu’un fétu devant l’ouragan.

Cependant le père Gillenormand était revenu s’adosser à la cheminée.

— Vous marier ! à vingt et un ans ! Vous avez arrangé cela ! Vous n’avez plus qu’une permission à demander ! une formalité. Asseyez-vous, monsieur. Eh bien, vous avez eu une révolution depuis que je n’ai eu l’honneur de vous voir. Les jacobins ont eu le dessus. Vous avez dû être content. N’êtes-vous pas républicain depuis que vous êtes baron ? Vous accommodez cela. La république fait une sauce à la baronnie. Êtes-vous décoré de Juillet ? avez-vous un peu pris le Louvre, monsieur ? Il y a ici tout près, rue Saint-Antoine, vis-à-vis la rue des Nonaindières, un boulet incrusté dans le mur au troisième étage d’une maison avec cette inscription : 28 juillet 1830. Allez voir cela. Cela fait bon effet. Ah ! ils font de jolies choses, vos amis ! À propos, ne font-ils pas une fontaine à la place du monument de M. le duc de Berry ? Ainsi vous voulez vous marier ? à qui ? peut-on sans indiscrétion demander à qui ?

Il s’arrêta, et, avant que Marius eût eu le temps de répondre, il ajouta violemment :