l’homme fort et l’esprit faible, le tronc d’arbre et le brin de paille.
Malheur à celui qu’elle emporte comme à celui qu’elle vient heurter ! Elle les brise l’un contre l’autre.
Elle communique à ceux qu’elle saisit on ne sait quelle puissance extraordinaire. Elle emplit le premier venu de la force des événements ; elle fait de tout des projectiles. Elle fait d’un moellon un boulet et d’un portefaix un général.
Si l’on en croit de certains oracles de la politique sournoise, au point de vue du pouvoir, un peu d’émeute est souhaitable. Système : l’émeute raffermit les gouvernements qu’elle ne renverse pas. Elle éprouve l’armée ; elle concentre la bourgeoisie ; elle étire les muscles de la police ; elle constate la force de l’ossature sociale. C’est une gymnastique ; c’est presque de l’hygiène. Le pouvoir se porte mieux après une émeute comme l’homme après une friction.
L’émeute, il y a trente ans, était envisagée à d’autres points de vue encore.
Il y a pour toute chose une théorie qui se proclame elle-même « le bon sens » ; Philinte contre Alceste ; médiation offerte entre le vrai et le faux ; explication, admonition, atténuation un peu hautaine qui, parce qu’elle est mélangée de blâme et d’excuse, se croit la sagesse et n’est souvent que la pédanterie. Toute une école politique, appelée juste milieu, est sortie de là. Entre l’eau froide et l’eau chaude, c’est le parti de l’eau tiède. Cette école, avec sa fausse profondeur, toute de surface, qui dissèque les effets sans remonter aux causes, gourmande, du haut d’une demi-science, les agitations de la place publique.