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Les Misérables. — Fantine.

presque vêtu dans son lit, à cause des nuits froides des Basses-Alpes, d’un vêtement de laine brune qui lui couvrait les bras jusqu’aux poignets. Sa tête était renversée sur l’oreiller dans l’attitude abandonnée du repos ; il laissait pendre hors du lit sa main ornée de l’anneau pastoral et d’où étaient tombées tant de bonnes œuvres et de saintes actions. Toute sa face s’illuminait d’une vague expression de satisfaction, d’espérance et de béatitude. C’était plus qu’un sourire et presque un rayonnement. Il y avait sur son front l’inexprimable réverbération d’une lumière qu’on ne voyait pas. L’âme des justes pendant le sommeil contemple un ciel mystérieux.

Un reflet de ce ciel était sur l’évêque.

C’était en même temps une transparence lumineuse, car ce ciel était au dedans de lui. Ce ciel, c’était sa conscience.

Au moment où le rayon de lune vint se superposer, pour ainsi dire, à cette clarté intérieure, l’évêque endormi apparut comme dans une gloire. Cela pourtant resta doux et voilé d’un demi-jour ineffable. Cette lune dans le ciel, cette nature assoupie, ce jardin sans un frisson, cette maison si calme, l’heure, le moment, le silence, ajoutaient je ne sais quoi de solennel et d’indicible au vénérable repos de cet homme, et enveloppaient d’une sorte d’auréole majestueuse et sereine ces cheveux blancs et ces yeux fermés, cette figure où tout était espérance et où tout était confiance, cette tête de vieillard et ce sommeil d’enfant.

Il y avait presque de la divinité dans cet homme ainsi auguste à son insu.

Jean Valjean, lui, était dans l’ombre, son chandelier de