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Page:Hugo - Les Misérables Tome I (1890).djvu/201

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La Chute.

— Hélas Jésus ! repartit madame Magloire. Ce n’est pas pour moi ni pour mademoiselle. Cela nous est bien égal. Mais c’est pour monseigneur. Dans quoi monseigneur va-t-il manger maintenant ?

L’évêque la regarda d’un air étonné.

— Ah çà ! est-ce qu’il n’y a pas des couverts d’étain ?

Madame Magloire haussa les épaules.

— L’étain a une odeur.

— Alors, des couverts de fer.

Madame Magloire fit une grimace significative.

— Le fer a un goût.

— Eh bien, dit l’évêque, des couverts de bois.

Quelques instants après, il déjeunait à cette même table où Jean Valjean s’était assis la veille. Tout en déjeunant, monseigneur Bienvenu faisait gaîment remarquer à sa sœur qui ne disait rien et à madame Magloire qui grommelait sourdement, qu’il n’est nullement besoin d’une cuiller ni d’une fourchette, même en bois, pour tremper un morceau de pain dans une tasse de lait.

— Aussi a-t-on idée ! disait madame Magloire toute seule en allant et venant, recevoir un homme comme cela ! et le loger à côté de soi ! et quel bonheur encore qu’il n’ait fait que voler ! Ah mon Dieu ! cela fait frémir quand on songe !

Comme le frère et la sœur allaient se lever de table, on frappa à la porte.

— Entrez, dit l’évêque.

La porte s’ouvrit. Un groupe étrange et violent apparut sur le seuil. Trois hommes en tenaient un quatrième au