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Les Misérables. ― Fantine.

les hideux anneaux jetaient un bruit strident qui ressemblait à un cri de colère ; les petites filles s’extasiaient, le soleil couchant se mêlait à cette joie, et rien n’était charmant comme ce caprice du hasard qui avait fait d’une chaîne de titans une escarpolette de chérubins.

Tout en berçant ses deux petites, la mère chantonnait d’une voix fausse une romance alors célèbre :


Il le faut, disait un guerrier…

Sa chanson et la contemplation de ses filles l’empêchaient d’entendre et de voir ce qui se passait dans la rue.

Cependant quelqu’un s’était approché d’elle, comme elle commençait le premier couplet de la romance, et tout à coup elle entendit une voix qui disait très près de son oreille :

— Vous avez là deux jolis enfants, madame.


— À la belle et tendre Imogine.

répondit la mère, continuant sa romance puis elle tourna la tête.

Une femme était devant elle, à quelques pas. Cette femme, elle aussi, avait un enfant qu’elle portait dans ses bras.

Elle portait en outre un assez gros sac de nuit qui semblait fort lourd.

L’enfant de cette femme était un des plus divins êtres qu’on pût voir. C’était une fille de deux à trois ans. Elle eût pu jouter avec les deux autres pour la coquetterie de l’ajustement ; elle avait un bavolet de linge fin, des rubans à sa brassière et de la valenciennes à son bonnet. Le pli de sa jupe relevée laissait voir sa cuisse blanche, potelée et