toilette de mousseline et de rubans qui semblait faite avec de la gaîté, de la folie et de la musique, pleine de grelots et parfumée de lilas, elle s’était évanouie comme ces beaux givres éclatants qu’on prend pour des diamants au soleil ; ils fondent et laissent la branche toute noire.
Dix mois s’étaient écoulés depuis « la bonne farce ».
Que s’était-il passé pendant ces dix mois ? on le devine.
Après l’abandon, la gêne. Fantine avait tout de suite perdu de vue Favourite, Zéphine et Dahlia ; le lien, brisé du côté des hommes, s’était défait du côté des femmes ; on les eût bien étonnées, quinze jours après, si on leur eût dit qu’elles étaient amies ; cela n’avait plus de raison d’être. Fantine était restée seule. Le père de son enfant parti, — hélas ! ces ruptures-là sont irrévocables, — elle se trouva absolument isolée, avec l’habitude du travail de moins et le goût du plaisir de plus. Entraînée par sa liaison avec Tholomyès à dédaigner le petit métier qu’elle savait, elle avait négligé ses débouchés ; ils s’étaient fermés. Nulle ressource. Fantine savait à peine lire et ne savait pas écrire ; on lui avait seulement appris dans son enfance à signer son nom ; elle avait fait écrire par un écrivain public une lettre à Tholomyès, puis une seconde, puis une troisième. Tholomyès n’avait répondu à aucune. Un jour, Fantine entendit des commères dire en regardant sa fille : — Est-ce qu’on prend ces enfants-là au sérieux ? on hausse les épaules de ces enfants-là ! — Alors elle songea à Tholomyès qui haussait les épaules de son enfant et qui ne prenait pas cet être innocent au sérieux ; et son cœur devint sombre à l’endroit de cet homme. Quel parti prendre pourtant ? Elle ne savait