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LES MISÉRABLES. — FANTINE.

— Est-ce qu’on en meurt ?

— Très bien, dit Marguerite.

Fantine sortit et alla encore une fois relire la lettre sur l’escalier.

Le soir elle descendit et on la vit qui se dirigeait du côté de la rue de Paris où sont les auberges.

Le lendemain matin, comme Marguerite entrait dans la chambre de Fantine avant le jour, car elles travaillaient toujours ensemble et de cette façon n’allumaient qu’une chandelle pour deux, elle trouva Fantine assise sur son fil, pâle, glacée. Elle ne s’était pas couchée. Son bonnet était tombé sur ses genoux. La chandelle avait brûlé toute la nuit et était presque entièrement consumée.

Marguerite s’arrêta sur le seuil, pétrifiée de cet énorme désordre, et s’écria :

— Seigneur ! la chandelle qui est toute brûlée ! il s’est passé des événements !

Puis elle regarda Fantine qui tournait vers elle sa tête sans cheveux.

Fantine depuis la veille avait vieilli de dix ans.

— Jésus ! fit Marguerite, qu’est-ce que vous avez, Fantine ?

— Je n’ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas de cette affreuse maladie, faute de secours. Je suis contente.

En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille deux napoléons qui brillaient sur la table.

— Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c’est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis d’or ?