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JAVERT.

— Pardon, monsieur le maire, dit-il.

— Qu’est-ce encore ? demanda M. Madeleine.

— Monsieur le maire, il me reste une chose à vous rappeler.

— Laquelle ?

— C’est que je dois être destitué.

M. Madeleine se leva.

— Javert, vous êtes un homme d’honneur, et je vous estime. Vous vous exagérez votre faute. Ceci d’ailleurs est encore une offense qui me concerne. Javert, vous êtes digne de monter et non de descendre. J’entends que vous gardiez votre place.

Javert regarda M. Madeleine avec sa prunelle candide au fond de laquelle il semblait qu’on vit cette conscience peu éclairée, mais rigide et chaste, et il dit d’une voix tranquille :

— Monsieur le maire, je ne puis vous accorder cela.

— Je vous répète, répliqua M. Madeleine, que la chose me regarde.

Mais Javert, attentif à sa seule pensée, continua :

— Quant à exagérer, je n’exagère point. Voici comment je raisonne. Je vous ai soupçonné injustement. Cela, ce n’est rien. C’est notre droit à nous autres de soupçonner, quoiqu’il y ait pourtant abus à soupçonner au-dessus de soi. Mais, sans preuves, dans un accès de colère, dans le but de me venger, je vous ai dénoncé comme forçat, vous, un homme respectable, un maire, un magistrat ! ceci est grave, très grave. J’ai offensé l’autorité dans votre personne, moi, agent de l’autorité ! Si l’un de mes subor-