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L’AFFAIRE CHAMPMATHIEU.

crayonné des chiffres. Il les montra au flamand. C’étaient les chiffres 5, 6, 8 1/2.

— Vous voyez, dit-il. Total, dix-neuf et demi, autant dire vingt lieues.

— Monsieur le maire, reprit le flamand, j’ai votre affaire. Mon petit cheval blanc. Vous avez dû le voir passer quelquefois. C’est une petite bête du bas Boulonnais. C’est plein de feu. On a voulu d’abord en faire un cheval de selle. Bah ! il ruait, il flanquait tout le monde par terre. On le croyait vicieux, on ne savait qu’en faire. Je l’ai acheté. Je l’ai mis au cabriolet. Monsieur, c’est cela qu’il voulait ; il est doux comme une fille, il va le vent. Ah ! par exemple, il ne faudrait pas lui monter sur le dos. Ce n’est pas son idée d’être cheval de selle. Chacun a son ambition. Tirer, oui ; porter, non ; il faut croire qu’il s’est dit ça.

— Et il fera la course ?

— Vos vingt lieues. Toujours au grand trot, et en moins de huit heures. Mais voici à quelles conditions.

— Dites.

— Premièrement, vous le ferez souffler une heure à moitié chemin ; il mangera, et on sera là pendant qu’il mangera pour empêcher le garçon de l’auberge de lui voler son avoine ; car j’ai remarqué que dans les auberges l’avoine est plus souvent bue par les garçons d’écurie que mangée par les chevaux.

— On sera là.

— Deuxièmement… Est-ce pour monsieur le maire le cabriolet ?

— Oui.