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Page:Hugo - Les Misérables Tome I (1890).djvu/427

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  L’affaire Champmathieu. 419

s’appelle la marée ; pour le coupable, cela s’appelle le remords. Dieu soulève l’âme comme l’océan.

Au bout de peu d’instants, il eut beau faire, il reprit ce sombre dialogue dans lequel c’était lui qui parlait et lui qui écoutait, disant ce qu’il eût voulu taire, écoutant ce qu’il n’eût pas voulu entendre, cédant à cette puissance mystérieuse qui lui disait : pense ! comme elle disait il y a deux mille ans à un autre condamné : marche !

Avant d’aller plus loin et pour être pleinement compris, insistons sur une observation nécessaire.

Il est certain qu’on se parle à soi-même, il n’est pas un être pensant qui ne l’ait éprouvé. On peut dire même que le verbe n’est jamais un plus magnifique mystère que lorsqu’il va, dans l’intérieur d’un homme, de la pensée à la conscience et qu’il retourne de la conscience à la pensée. C’est dans ce sens seulement qu’il faut entendre les mots souvent employés dans ce chapitre, il dit, il s’écria. On se dit, on se parle, on s’écrie en soi-même, sans que le silence extérieur soit rompu. Il y a un grand tumulte ; tout parle en nous, excepté la bouche. Les réalités de l’âme, pour n’être point visibles et palpables, n’en sont pas moins des réalités.

Il se demanda donc où il en était. Il s’interrogea sur cette « résolution prise ». Il se confessa à lui-même que tout ce qu’il venait d’arranger dans son esprit était monstrueux, que « laisser aller les choses, laisser faire le bon Dieu », c’était tout simplement horrible. Laisser s’accomplir cette méprise de la destinée et des hommes, ne pas l’empêcher, s’y prêter par son silence, ne rien faire enfin, c’était faire